Sculptures de Botero à Medellin

Sculptures de Botero à Medellin

» Destinations » Amérique du sud » Colombie » Sculptures de Botero à Medellin

Publié le 10 juin 2021 par Hélène Salaün

La métamorphose pacifique de Medellin

J’ai quitté Bogota après avoir visité le superbe Musée de l’Or et le Musée Botero pour découvrir Medellin. La capitale de la Colombie, située dans le département d’Antioquia, à 1538 mètres d’altitude est surnommée « la ville du printemps éternel » en raison de la douceur de son climat. Avec ses 3,5 millions d’habitants, c’est la deuxième ville du pays en terme de population, après la ville de Bogota. 

Son nom a été associé dans les années 80-90 à celui d’une ville en proie au narco-terrorisme, aux crimes et à la violence du cartel de la drogue de Pablo Escobar. Sa mort en 1993 a motivé les autorités locales à changer la vie des habitants de Medellin. En 2003, un nouveau maire Sergio Fajardo, a misé sur la culture, sur un environnement de qualité, sur l’éducation des plus défavorisés et a doté la ville d’un système de transport moderne avec un métro, un tramway et des téléphériques (Metrocables). Cela a permis aux quartiers les plus populaires situés sur les hauteurs de se connecter au reste de la ville et d’améiorer considérablement les conditions de vie et les mentalités des « paisas », les habitants de la région.

En à peine vingt ans, avec la fin des années Escobar et plus récemment avec les accords de paix entre le gouvernement et les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), la ville s’est complètement métamorphosée, passant de « la ville la plus dangereuse du monde » à « la ville la plus innovante », avec notamment l’attrait des nombreuses sculptures de Botéro .qui attire un très grand nombre de touristes. 

Fernando Botero, artisan de la renaissance de Medellin

Medellin est la ville natale du peintre-sculpteur colombien Fernando Botero.  Il y a environ vingt ans, l’artiste a voulu offrir l’Art à ses compatriotes à un moment où la violence était à son paroxysme. Il a fait don de toutes ses oeuvres et collections personnelles pour développer le Musée d’Antioquia et proposa de créer la « Plaza Botero » aussi appelée « Plaza de las Esculturas”. En offrant 23 sculptures monumentales en bronze, Botero a complètement changé le visage du quartier traditionnel de Berrio au centre de Medellín et a démontré que l’éducation et la culture pouvaient contribuer à changer positivement l’image d’un pays.  

C’est ce que m’explique Luis, colombien qui enseigne le français à l’Alliance Française à Medellin, rencontré grâce à l’intermédiaire d’une amie nantaise.

Il m’attend à la station de métro Berrio à quelques minutes à pied de la « Plaza Botero » et m’explique l’histoire de sa ville et de cette place qui couvre 7 000 mètres carrés à proximité du très beau Palais de la Culture Rafael Uribe, d’architecture gothique flamande où sont conservées les archives historiques et photographiques de la ville. De l’autre côté se trouve le Musée d’Antioquia le plus ancien de la ville. Ce centre d’art et de culture est devenu un lieu très fréquenté par les citoyens de Medellín et par les touristes. L’ambiance de la place est sereine et colorée avec ses nombreux marchands de fruits.

Parmi les sculptures offertes par Botero à sa Ville, on retrouve ceux que l’on appelle affectueusement « les gros de Botero” (los gordos de Botero) qui cohabitent avec des animaux familiers et des allégories historiques.

Le Musée en plein air rend hommage à de nombreuses femmes : celle de La Maternité, une autre avec des fruits, avec un miroir, la Femme assise, endormie, inclinée, habillée…

On y retrouve aussi bien entendu la première d’entre elles, Eve qui fait face à Adam.

Les Hommes quant à eux sont à cheval, en Soldat romain, avec des vêtements, en voyageur… Des parties du corps comme la Main, la Tête, la Pensée mais aussi des animaux familiers comme le Cheval, le Chien, le Chat, le Cheval aux brides, ou encore des figures historiques comme ,le Sphinx ou l’Enlèvement de l’Europe investissent totalement les lieux. 

Les 23 sculptures ont été réalisées dans les ateliers de Pietra Santa, en Italie, pays d’adoption de Botero.

Ces oeuvres sont touchantes et très impressionnantes, mais ce qui m’a le plus étonnée, c’est l’appropriation complète et réussie de ces sculptures par la population. Je dois dire que ma première réaction de « touriste un peu stupide » a été d’être impatiente que les locaux libèrent les sculptures pour pouvoir les prendre en photos sans qu’aucune personne ne soit assise ou appuyée contre les oeuvres.  

J’avais l’impression que les habitants ne se rendaient pas compte de la richesse culturelle qu’ils avaient sous les yeux et qu’ils manquaient de respect envers les oeuvres… Dans l’attente du moment improbable où ces sculptures seraient libres de toute vie humaine, je me suis assise sur un banc dans le parc pour prendre mon temps et observer avec attention le comportement des habitants de différentes générations. J’ai alors compris que ces oeuvres « appartenaient » aux « paisas » et non pas aux touristes de passage… Les sculptures de Botero ont créé un lien naturel, intense et tendre entre l’Art et les habitants de Medellin. Ce que je prenais pour de l’irrespect était en fait des signes d’affection et de familiarité. Botero est entré dans le quotidien de tous les habitants de Medellin !  

Un oiseau de la Paix contre la violence

.À quelques minutes de la Plaza Botero, sur la Plaza San Antonio, se trouvent deux oiseaux quasiment identiques sculptés par l’artiste. L’un est « blessé » et l’autre « rond, fier et vigoureux »…

Voici leur histoire… En juin 1995, durant un marché artisanal dans le parc, 15 kilos de dynamite ont explosé devant la statue de l’Oiseau de Botero. Le bilan fut lourd : 30 morts et 200 blessés. La statue de l’Oiseau a été partiellement détruite et Botero a demandé à la municipalité de ne pas « enlever le squelette de la statue ».

Lorsque le maire lui demanda pourquoi laisser la carcasse de l’oiseau, Botero lui répondit “Parce que si on l’enlève, on va oublier une fois de plus… Je ferai une autre statue identique et on la placera côte à côte avec l’ancienne. Comme ça, c’est nous qui aurons notre victoire”.  L’artiste a souhaité que les restes de métal tordu demeurent en signe de rejet de la violence et en hommage aux victimes. Quatre ans et demi plus tard, il plaça une nouvelle statue, identique, appelée « L’Oiseau de Paix » aux côtés de la précédente communément appelée « El pájaro herido” (L’oiseau blessé), pour symboliser la renaissance de la ville et de sa population.  

Après l’action terroriste qui n’a jamais été revendiquée, Botero a interdit son retrait du site pour qu’il reste un « monument à l’imbécillité ».

Cette impressionnante exposition permanente de sculptures de Botero à ciel ouvert dans le centre de Medellin m’a beaucoup touchée. Après avoir découvert ses peintures à Bogota, je suis heureuse d’avoir découvert ses sculptures et appris le rôle social qu’elles ont joué dans la reconstruction de la ville de Medellin.

On dit que la musique adoucit les moeurs… A Medellin, les sculpture de Botero ont adouci l’image de la ville et le rapport à l’art de ses habitants.

Je vais poursuivre mon voyage en Colombie par la petite ville colorée de Guatapé où de bien belles émotions m’attendent là-aussi. 

Laissez un commentaire

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Pin It on Pinterest

Share This