Voyage en Terre Inconnue…

Voyage en Terre Inconnue…

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Publié le 31 janvier 2023 par Hélène Salaün

L’art de procrastiner

« Partir, partir… partir avant qu’on ne meure » nous conseille Julien Clerc. Oui, c’est mieux !

Mais, partir voyager autour du monde n’est pas un projet facile à caser dans une vie professionnelle, conjugale et familiale… Alors, quel est le bon timing ? Dans une vie mouvementée et très active, je me suis répétée pendant des années comme un mantra « plus tard je ferai ça, plus tard je ferai ça, plus tard… »

J’étais très forte pour remettre à plus tard ce que j’avais envie de faire le plus tôt possible ! On appelle ça l’art de procrastiner 😉

Un premier voyage en Equateur ou au Népal ? J’hésite…

Installée dans une vie relativement satisfaisante, je venais de fêter mes 50 ans et réfléchissais à un voyage symbolique pour fêter l’âge de la maturité… 🙂

Comme j’étais théoriquement à la moitié de ma vie, je pensais partir en Equateur, au milieu du Monde. J’allais peut-être y vérifier si les lamas crachaient, comme dans les Tintin de mon enfance !

Ou bien, aller au Népal, sur le « Toit du Monde » pour retrouver un peu de l’esprit aventureux d’Alexandra David-Neel,  m’inspirer de la sagesse du Dalaï Lama, prendre de la hauteur et réfléchir à ce que je souhaitais vivre dans les 50 prochaines années…

Ça avait de la gueule comme projet, non ?

Et puis, patatras ! Faux-départ…

Un banal contrôle médical a brisé mon rêve de voyage et tous mes rêves à l’époque.

Le diagnostic du corps médical était implacable. J’étais atteinte d’un cancer du sein évolutif et des cellules « infiltrantes » avaient commencé à voyager dans mon corps, à mon insu tels des passagers clandestins.

Après un court moment de sidération et, têtue comme une Bretonne, je me suis dit que ces petits crabes, j’allais les bouffer et que ce voyage, de toute façon, je le ferai un jour ! Et, pas seulement, un voyage, mais beaucoup de voyages !

Il me semblait, que, d’une certaine façon, j’avais droit à des intérêts de retard et à une prime d’encouragement pour le Voyage en Terre inconnue qui m’attendait, dont je ne connaissais ni la durée, ni la destination…

Changement de destination…

Le radiologue me dit d’emblée de ne pas faire de projets pour l’année à venir et me prévient que désormais, c’est la maladie qui allait décider de mon emploi du temps.

Il rêve ou quoi ??? Je lui réponds que ce n’est pas possible, que je suis engagée sur plein de projets personnels et professionnels super intéressants. Il me conseille alors d’apprendre à « lâcher-prise »…  Très gentille et polie, je lui ai répondu en souriant « Oui, oui. Bien sûr !  » en n’en pensant pas un mot. J’étais dans le déni de la gravité de la situation et considérais ce qu’on qualifie habituellement de « grave maladie » comme un non-événement. J’avais une maladie, il y avait des traitements… ça n’allait pas m’empêcher pas de vivre et d’aller de l’avant !

Voyage en terre inconnue

Très rapidement, au fil des examens, j’ai dû me faire une raison et déclarer forfait. Je me suis aperçue que je ne m’appartenais plus et que j’allais partir pour un voyage en Terre Inconnue dont je ne serai pas la capitaine. J’ai beau être d’un naturel curieux, ce voyage, je n’avais pas envie de le faire… En entrant dans l’univers du cancer, j’ai perdu tous mes repères et je ne maitrisais plus rien. À contre-coeur et en colère, je me suis laissée porter par une vague d’opérations, de cures de chimiothérapie, de radiothérapie, de traitements hormonaux, d’anti-douleurs…

Je « bouillais » intérieurement contre tout ce temps perdu… et commençais à comprendre que le temps nécessaire pour me soigner serait un temps indéfini, coupé du temps, « entre parenthèses ». 

Le point d’orgue de ces longs mois d’hibernation, a été une hospitalisation lors de vacances familiales en Bretagne. Une infection massive et une aplasie totale m’ont plongée dans un état comateux durant trois jours.

Je sentais heure après heure que je partais pour un voyage dans l’au-delà. Enveloppée dans le halo d’une douce lumière jaune et chaude, je m’enfonçais dans un état cotonneux et silencieux et distinguais de plus en plus difficilement les images et les sons. Le voyage vers cette destination inconnue me semblait agréable et, même si je ne l’avais pas prévu, je sentais que je résistais de moins en moins à l’idée de me laisser embarquer.

Quand tout à coup, j’ai entendu le doux nom de « Maman » prononcé par ma fille qui venait de parcourir 250 km pour venir à mon chevet en urgence. Ce son-là, il venait de loin, mais je l’ai entendu clairement et distinctement ! J’ai eu envie d’y répondre…. et cela m’a fait revenir sur terre. ça a été la fin de ce court voyage vers l’inconnu.

Moi qui vivais stressée, « le nez dans le guidon », toujours dans l’urgence et sous pression depuis de si nombreuses années, cette « pause-cancer » a presque eu l’effet bénéfique de vacances 🙂. J’ai mis beaucoup de temps à comprendre ce que signifiait « lâcher-prise », mais je progressais ! 

Je sentais que le déclic décisif qui allait motiver mon voyage autour du monde approchait…

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