Fabrication du Lambrusco

Fabrication du Lambrusco

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Publié le 5 novembre 2021 par Hélène Salaün

Fin de séjour en beauté dans la région de Bologne et Modène sur des notes fraîches et pétillantes ! Après avoir visité une entreprise de jambons Prosciutto de Modène, une fromagerie de Parmigiano Reggiano et une vinaigrerie de Modène, je pars aujourd’hui à la découverte d’un autre fleuron de la région d’Emilie Romagne… Direction une « cantina » (un domaine viticole) de Lambrusco située dans le petit village de Cristo di Sorbara, à 15 km de Modène.

Le Lambrusco, vous connaissez ? C’est le vin rouge pétillant italien le plus vendu dans le monde et paradoxalement celui que l’on connaît le moins bien. Il faut d’abord savoir qu’il n’y a pas « un Lambrusco », mais « des Lambrusco ». Chaque Lambrusco a son propre caractère et ses associations culinaires recommandées. Il existe plusieurs appellations, plusieurs cépages, plusieurs richesses en sucre… Le Lambrusco peut être secco (sec), amabile (demi-sec) ou dolce (doux) selon le niveau de sucre résiduel. Traditionnellement rouge, il est désormais décliné dans une version « blanc » ou « rosé » avec succès. 

Il y a de quoi s’y perdre ! Dans tous les cas, si vous voulez boire un bon Lambrusco, choisissez-le avec une DOC (« Denominazione di Origine Controllata ») – AOC en France – pour vous assurer de son mode de fabrication et de sa qualité, et regardez s’il est sec ou doux. La diversité des Lambrusco permet aux Italiens de le boire en toute occasion, à l’apéritif, pour un goûter, un plat de pâtes, de viande, de poisson ou un dessert… Il y a un Lambrusco pour chaque plat ! 

Avant ma visite à la cave, c’était pour moi un vin idéal à l’heure de l’apéritif, mais en fait, c’est bien plus que çà ! En France, on est habitués à boire un vin pétillant à l’apéritif ou avec un dessert, mais je dois reconnaître qu’un vin rouge frais et pétillant pour accompagner tout un repas, c’est assez surprenant pour le palais d’une française !  

Histoire et origine du Lambrusco

C’est dans la région de Modène, Reggio Emilia et Parme qu’est né le Lambrusco comme en témoignent bon nombre de documents historiques. Arrosée par le Pô, cette région est particulièrement propice à la culture de cette vigne très ancienne dont l’histoire remonte à l’Antiquité. Certains poètes et écrivains (Virgile, Caton, Varrone, Pline l’Ancien) décrivent dans leurs œuvres le « Labrusca vitis », une vigne sauvage qui poussait à la lisière de la campagne. Il semble que les Etrusques aient commencé à la cultiver dans la vallée du Pô, mais ce sont les Romains qui l’ont ensuite développée de façon plus intense.

Ce n’est qu’en 1600 que l’on a commencé à parler de Lambrusco pour désigner cette vigne ancienne toujours cultivée aujourd’hui. Au fil des siècles, le vin Lambrusco a beaucoup évolué, s’est modifié et s’est épanoui. Depuis 1900, il a obtenu une reconnaissance mondiale avec de nombreuses récompenses lors de concours internationaux.

Rencontre avec une famille de producteurs de Lambrusco DOP 

Je visite avec Katia la « cantina » familiale de Barbara et Alberto où trois générations se sont succédées pour produire du Lambrusco DOP depuis 1926.

Depuis 1998, ils ont pris la direction de 17 hectares de vignes et la gestion de la cave, pariant sur la production du « Lambrusco di Sorbara », le plus ancien cépage considéré comme le meilleur vin Lambrusco en raison de son goût très concentré.

C’est Achille, le grand-père d’Alberto, qui a commencé cette aventure au milieu des années vingt du siècle dernier. Il a construit la première partie de la cave, ensuite agrandie et développée par son fils Gianfranco et aujourd’hui gérée par son neveu Alberto.  

Je fais la visite en compagnie de deux jeunes américains, très amateurs de vins pétillants et parfumés. C’est Alessia, une jeune oenologue qui nous entraîne dans la visite des chais.

Elle nous explique comment est fabriqué ce vin unique et comment un processus de double fermentation est indispensable à la fabrication du Lambrusco pétillant, contrairement à l’élaboration de vins « tranquilles » (non effervescents).

Je vous explique tout cela un peu plus bas dans l’article. 

Comment est produit le Lambrusco ?

On ne devrait pas parler du Lambrusco, mais « des » Lambrusco. Le Lambrusco est le nom générique d’un groupe de 9 cépages d’origine commune, qui se ressemblent, mais ne sont pas identiques. On peut élaborer des vins avec chacun de ces cépages, individuellement, ou bien les mélanger à d’autres variétés de Lambrusco. La majorité des Lambrusco sont d’ailleurs élaborés à partir de plusieurs variétés de raisins.  

Le Lambrusco est un vin complexe et délicat à produire. J’ignorais, comme beaucoup d’entre vous j’imagine, que pour le Lambrusco, deux fermentations sont nécessaires, alors que pour les vins classiques dits « tranquilles », une seule fermentation suffit. Trois méthodes d’élaboration sont possibles pour obtenir un vin pétillant à partir d’un vin rouge tranquille. Voici les grandes lignes de ces méthodes…

> La méthode en cuve close, aussi appelée méthode « Charmat/Martinotti » est la plus courante. La méthode a été inventée en 1895 par l’italien Federico Martinotti. Malheureusement pour lui, c’est Jean-Eugène Charmat qui, le premier, a déposé un brevet pour ce processus en 1907, d’où le nom de « méthode Charmat ». Cette méthode fait appel aux mêmes principes que la méthode champenoise ou traditionnelle, mais avec une différence importante… Le vin tranquille (non effervescent) est transformé en vin effervescent dans une cuve et non en bouteille, ce qui permet la clarification finale du vin, avant la mise en bouteille. Le vin est produit à partir de raisins soigneusement sélectionnés, récoltés à la main et vinifiés de manière experte. Après la récolte, les raisins sont délicatement pressés et le moût obtenu fermente dans de grandes cuves à une température contrôlée. Cette première fermentation est suivie d’une seconde fermentation durant 3 mois dans des autoclaves en acier inoxydable sous pression.  On y introduit le vin, des levures et une liqueur de fermentation, le tout maintenu à une température de 20°C pour faciliter la fermentation. Trois semaines plus tard, la cuve étant fermée, le dioxyde de carbone ne peut s’échapper et on obtient un vin effervescent. Celui-ci est ensuite réfrigéré à une température avoisinant les -2°C pour stopper la fermentation et le stabiliser. On le filtre alors dans des cuves dites de tirage dans lesquelles il restera jusqu’à son embouteillage. 

La mise en bouteille du Lambrusco est une opération très délicate, car il y a un risque de dispersion du gaz carbonique obtenu dans l’autoclave. Les bouteilles de vins effervescents ont un verre plus épais, adapté pour résister à la pression interne et le fond n’a pas d’arêtes vives qui sont des points faibles plus exposés à la casse. Enfin, le bouchon champignon en liège est enfermé dans une cage en fil de fer, ce qui garantit une plus grande résistance à la pression. 

> La méthode traditionnelle ou « champenoise ». Cette méthode d’élaboration de vins effervescents consiste en une seconde fermentation en bouteilles d’un vin tranquille après ajout d’une liqueur de tirage (solution de sucre de canne et de levures). La méthode traditionnelle d’élaboration d’un vin effervescent est identique à la méthode champenoise utilisée pour l’élaboration du champagne. Mais, la réglementation interdit l’utilisation du terme « méthode champenoise » dans l’étiquetage de vins effervescents autres que le champagne.

> Enfin la méthode dite « ancestrale » aussi appelée « rurale » ou « artisanale ». C’est une méthode d’élaboration qui consiste à effectuer la mise en bouteille du vin, alors que la fermentation alcoolique du moût n’est pas achevée, sans y ajouter de liqueur de tirage. Le vin embouteillé contenant encore des sucres résiduels naturels, la fermentation alcoolique reprend et dégage du gaz carbonique : c’est la prise de mousse. Durant cette re-fermentation, les bouteilles restent fermées et  ne sont jamais ouvertes pour intervenir dans le processus d’élaboration du vin.

Les Appellations d’Origine Contrôlée de Lambrusco 

Le plus célèbre des vins rouges pétillants au monde, ne pouvait échapper à la règle de l’Appellation d’Origine, symbole de son lien fort avec le territoire de l’Émilie Romagne. Pour affirmer l’authenticité et la qualité du produit, le Consortium contrôle chaque année plus de 23 millions de bouteilles de Lambrusco DOC, par des opérations rigoureuses de contrôle. 

La « famille des Lambrusco » a obtenu cinq DOC dont les quatre premières : Modena, Lambrusco Salamino di Santa Croce, Lambrusco di Sorbara et Lambrusco Grasparossa di Castelvetro sont situées dans la province de Modène. La cinquième est la DOC Lambrusco Mantovano, une appellation de Lombardie principalement destinée à une consommation locale. 

Les trois Appellations D’Origine Contrôlées de Lambrusco les plus produites sont le « Lambrusco Sorbara », le « Lambrusco Salamino » et le « Lambrusco Grasparossa ». Malheureusement pour nous, la plupart de ces vins ne sont pas exportés ! Demandez conseil à votre caviste…

Il existe également des Lambrusco IGT (Indication Géographique Typique), un label de qualité italien réservé aux vins caractérisés par une indication géographique plus vaste que celle des vins DOC et avec un cahier des charges moins restrictif. C’est l’équivalent du Label de qualité européen IGP (Indication Géographique Protégée) qui désigne des produits dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans une aire géographique déterminée et dont la réputation peut être attribuée à cette origine géographique.

Quand et comment déguster du Lambrusco ?

A l’issue de la visite, vient le moment tant attendu de la dégustation des Lambrusco produits dans cette cave, dans le cadre enchanteur des vignes. Alessia, nous explique alors les caractéristiques organoleptiques de quatre Lambrusco et les meilleurs accords en cuisine. 

Je ne suis pas oenologue… mais voici ce que j’ai retenu lors de ma visite.  Dans la famille « Lambrusco »…

> Les « Lambrusco Sorbara » sont des vins très clairs, légers et savoureux, dont la version mousseuse, aux nuances de framboise, parfums de violette, saveurs de fraises et de cerises sont parfaits pour l’apéritif. Je confirme !!!

> Le « Lambrusco Salamino » se distingue par sa couleur rubis intense, avec une mousse violette dense et des arômes de fruits sauvages. Ce sont des vins beaucoup plus ronds qui accompagnent bien des viandes blanches comme un lapin rôti. J’ai testé et je confirme aussi !

> Enfin, le « Lambrusco Grasparossa » donne des Lambrusco plus structurés, à la couleur rubis très intense et une mousse couleur cerise dense. Il accompagne particulièrement bien les pâtes au four ou de la viande comme une échine rôtie ou des barbecues. 

Alessia, nous sert trois Lambrusco Sorbara aux différentes nuances de rosé, aux différents arômes, avec des goûts plus ou moins secs, plus ou moins fruités… et un Lambrusco Salamino rouge profond, légèrement tannique, avec des petites bulles légères.

Effectivement, la palette de goûts est très étendue ! Raison pour laquelle le Lambrusco convient à de nombreuses associations culinaires, dès lors qu’on le connait bien. Les producteurs d’Émilie-Romagne, au cours de ces dernières années, produisent des vins plus secs, et mieux structurés. Le Lambrusco est en phase de réhabilitation chez les amateurs de vins, et c’est très bien car ils se révèlent être très agréables en accompagnement d’un repas !

Quelques conseils de consommation :

Le Lambrusco est un vin à boire jeune, dans l’année.

Lorsque vous le servez, la mousse et les bulles sont très peu persistantes. Elles disparaissent rapidement, mais on continue à percevoir un effet perlant persistant en bouche, appelé « frizzante » par les Italiens. Il est préférable d’ouvrir la bouteille au dernier moment pour profiter de toutes ses qualités !

Ces vins ont un faible degré d’alcool, en moyenne 10-11°

Je me ferai un plaisir de vous mettre en relation avec Katia si vous souhaitez qu’elle vous organise un circuit gastronomique personnalisé dans la région de Modène et Bologne. Mon prochain tour avec elle sera certainement la chasse aux truffes dans les collines de Bologne pendant la saison de la précieuse truffe blanche – les 100 jours d’octobre à décembre. 

Autres lieux, autres plaisirs… Je quitte les villes de Bologne et de Modène et vais découvrir la belle ville de Parme, autre destination culturelle et gourmande en Emilie Romagne.

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