Un jeune moine laotien devient mon guide

Un jeune moine laotien devient mon guide

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Publié le 2 mars 2016 par Hélène Salaün

Phone, jeune moine laotien est devenu mon guide à Luang Prabang…

Dans mon article précédent où Phone le jeune moine était mon élève, je raconte comment j’ai suggéré à Phone un jeu de rôles où il allait devenir mon guide. 

Il s’y est prêté avec le plus grand plaisir ! Phone souhaite revenir à la vie laïque et aimerait devenir guide pour faire découvrir le Laos de façon privilégiée aux touristes francophones. Je lui ai donc proposé de se mettre en situation et de répondre à mes questions de voyageuse curieuse, un rôle dans lequel j’excelle ! 

Pour ce faire, il m’a proposé de traverser le Mékong en barque et d’aller dans un petit village situé sur la rive opposée de Luang Prabang, où se trouvent de très anciens temples méconnus des touristes.

Voici quelques questions auxquelles Phone a gentiment accepté de répondre…

Questions-réponses à Phone, guide d’un jour…

Hélène – Comment devient-on moine au Laos et comment se déroule une journée au monastère ?

Phone – Dans chaque famille au Laos, un fils au moins fait ses études à l’école des moines dès son plus jeune âge parce que les laotiens sont très croyants et aussi parce que bien souvent, les familles ne peuvent pas subvenir aux besoins de leurs enfants.

Moi, j’y suis rentré à l’âge de 10 ans, comme novice, et suis devenu moine à 20 ans après dix années d’apprentissage de l’enseignement des textes de Bouddha.

J’aurais aimé poursuivre ma scolarité à l’université, mais ma famille ne pouvait pas subvenir à mes études.

Hélène – Comment se déroule la vie d’un moine laotien ?

La vie d’un moine est très difficile et exigeante. Elle comporte 227 règles fondamentales pour nous guider dans notre vie. 

Voici la journée-type d’un moine : réveil à 4 h du matin, puis préparation pour la cérémonie de prière et de méditation au sanctuaire jusqu’à 5h15. Ensuite, ménage dans le monastère jusqu’à 6h, heure à laquelle nous partons dans la rue pour le « Tak Bat », la cérémonie des aumônes.

De retour au monastère à 6h45, les moines partagent les aumônes recueillies durant le « Tak Bat » 

Phone : En hiver ou quand il pleut, les gens sortent moins et la collecte est moins importante. Ces jours-là, nous ne mangeons que du riz durant la journée. Après la collecte des aumônes, les novices partent à l’école des moines, le matin pour certains et l’après-midi pour les autres.

Le groupe qui reste au monastère est chargé de l’entretien et du ménage dans les locaux. Le déjeuner pris à 11h30 sera le dernier repas de la journée. A 17h 30, nous nous retrouvons pour une cérémonie de prières et de méditation au sanctuaire. En soirée, certains novices vont dans une école spéciale pour prendre des cours d’anglais. Je reste alors avec mon supérieur pour approfondir ma connaissance des enseignements de Bouddha. A 22h, extinction des feux… Tous les temps forts de la journée sont rythmés par la cloche ou le tambour.

 Hélène – Un moine peut-il changer de vie s’il le souhaite ?

Phone – Oui. Les vœux perpétuels n’existent pas dans le bouddhisme, en respect du principe de non-permanence et de la liberté individuelle de choix. Le retour à l’état laïc est une formalité relativement simple. Il est possible de quitter la communauté monastique et d’y revenir à tout moment.

De même, c’est une pratique courante parmi les laïcs que de passer un certain temps comme novice ou moine. Généralement cela se passe lorsque les études sont terminées, avant de s’engager dans un métier, et pour une période de trois ou quatre mois. Cette période, pendant laquelle des laïcs résident dans un monastère, est appelée la « retraite de la saison des pluies ». Elle est consacrée à l’étude ou à la pratique de la méditation de façon très intensive.

Les symboles des peintures sacrées

Hélène – Que représentent les peintures sur les monastères laotiens ?

N’étant pas bouddhiste, je me suis aventurée dans des questions auxquelles il était difficile pour Phone de répondre simplement… Et, même s’il est évident que ces superbes peintures représentent la vie et les enseignements de Bouddha, cela méritait quelques explications ! Cela m’aidera plus tard dans ma compréhension des peintures sacrées lors de mon voyage au Bhoutan.

Phone m’a ainsi appris le lien entre Bouddha et les dragons que l’on retrouve si nombreux à l’entrée des temples, en signe de protection… Selon les textes sacrés, Bouddha atteignit l’Éveil après sept semaines assis au pied d’un arbre en Inde, un mois de mai en pleine saison des moussons. 

En quelques instants le ciel devint noir et il se mit à pleuvoir de façon torrentielle, mettant en crue le lac voisin. Tout à sa méditation sous un arbre, Bouddha ne s’en aperçut pas et continua de méditer en dépit du danger. Assis sous cet arbre, vêtu seulement d’une fine robe, il devint alors la proie des insectes et autres animaux. Mais une figure sortit du sous-bois : un grand serpent, Muchalinda le roi-nâga qui vivait dans le lac, l’entoura de sept anneaux et l’abrita de la pluie grâce à ses sept capuchons. Lorsque la pluie cessa, les nuages d’orage se dissipèrent et le Roi-Serpent prit la forme d’un beau jeune homme d’environ seize ans, qui salua le Bouddha, représentant ainsi la soumission parfaite de toutes les puissances de l’inconscient à l’esprit Éveillé. Muchalinda protégeant Bouddha est un thème fréquent dans l’iconographie bouddhiste Theravada. 

Sur d’autres pans de murs, ce sont l’enfer, le paradis et le nirvana qui sont représentés. Les tortures de l’enfer y sont décrites avec précision. On voit ceux qui ont péché durant leur vie, ébouillantés, coupés en deux ou brûlés dans une rivière de feu… Quant au paradis, qui ne constitue pas en soi le but ultime du croyant bouddhiste, il est représenté comme un lieu de paix absolue, où sont accueillis les plus vertueux.

Enfin, l’étape ultime du Nirvana qui est une forme d’achèvement est comparée selon les textes, à l’extinction d’une flamme ou à une paix intérieure totale et permanente provenant du détachement. On peut acquérir cet « état » (ou plutôt non-état) pendant la vie, ou lors de la mort.

Les différentes formes de bouddhisme

Hélène – Quelle forme de bouddhisme est pratiquée au Laos ?

Phone – Le Bouddhisme recense plusieurs courants de pensée, dont les quatre principaux : « le Theravada ou petit véhicule », « le Mahayana ou Grand Véhicule », « Le Tantrisme » et « le zen ».

Au Laos, la population pratique majoritairement le bouddhisme « Theravada ou petit véhicule » qui  est considéré comme la forme originale du Bouddhisme. La spécificité de ce courant est qu’il ne prend en compte pour principes fondamentaux que les premiers écrits bouddhistes, datant du début de notre ère, et non, comme le Mahayana, tous les écrits postérieurs. Le Theravada est très répandu en Asie sud-orientale et notamment au Cambodge, Thaïlande, Birmanie ou au Sri Lanka.

La relation entre les moines et les femmes

Hélène – Pourquoi les moines doivent-ils éviter tout contact physique avec les femmes ?

Phone me répond que lorsqu’il est avec moi, il doit éviter de s’isoler et doit toujours être à portée de vue d’un novice ou d’un moine. Nos cours se déroulent ainsi toujours dans la cour du monastère, en présence de novices. Il m’explique que Bouddha a exhorté les moines à s’abstenir de tout contact avec une femme, ne serait-ce qu’effleurer la peau ou les cheveux parce qu’un contact pourrait provoquer un désir, qui détruirait tout ce qui amène à progresser sur la voie de la sagesse, de la connaissance, de la libération de la souffrance. L’attachement à une femme, le désir et toutes les sensations éprouvées sont autant de poisons du mental qui détruisent la vision juste de la réalité, la concentration, l’attention, la vigilance, la motivation nécessaires à la connaissance pour un moine…

En outre, un moine, qui renonce à tout, qui vit exclusivement des offrandes d’autrui et dont le rôle est de préserver et de faire connaître l’enseignement de Bouddha se doit d’adopter une conduite irréprochable. Les moines sont vénérés, et lorsque Phone m’a fait visiter des monastères dans un village voisin, je dois marcher devant ou derrière lui, mais jamais à son niveau. Tout le monde, y compris les enfants se courbent devant lui…

Alors qu’il me fait escalader une dune de sable abrupte sur les bords du Mékong, je lui demande s’il me tendrait la main et m’aiderait à me relever si je tombais… Il me répond qu’il demanderait de l’aide à quelqu’un pour le faire, mais que lui ne pourrait absolument pas le faire ! Je souris et lui dis que c’est pas très sympa de la part de Bouddha ! 

J’ai passé avec Phone ce jour là une expérience inoubliable !

Visiter les monastères en bénéficiant des explications d’un moine laotien, l’écouter me parler des enseignements du bouddhisme et de la vie des moines a été un bonheur et une richesse inestimables.

Et tout cela, sans perdre de vue l’objectif qui était de lui permettre d’améliorer la pratique orale de son français. Toute la journée, il a noté très studieusement mes commentaires sur son cahier d’écolier…

Au-delà de tout ce que j’ai aimé à Luang Prabang et au Laos, c’est bien cette rencontre qui restera gravée dans ma mémoire.

J’ai profité de mon séjour à Luang Prabang pour aller plus au nord visiter les villages deNong Khiaw et de Muang Ngoi.Je prends désormais la direction du sud-Laos et pars visiter le site religieux duVat Phou à Champasak et les 4000 îles.

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